La loi de finance 2022 et la jurisprudence européenne protègent davantage les particuliers souscripteurs d’assurances dommages-ouvrage en cas de faillite d’un assureur opérant en LPS (Libre Prestation de Services), mais les acteurs de la construction devront prendre en charge les dommages sur leurs propres fonds.
Ces dernières années, et jusqu’à très récemment, l’actualité a été marquée par une vague de faillite de six compagnies d’assurances étrangères qui intervenaient sur le marché français et européen en LPS, la dernière en date étant celle de la compagnie danoise Alpha Insurance. Le système LPS permet à tout assureur agréé par le régulateur d’un Etat membre de travailler dans l’ensemble de l’Union européenne sans forcément être établi dans l’un des États membres. La faillite de ces compagnies a laissé des milliers de victimes et des centaines de chantiers inachevés et continue à produire de graves conséquences : artisans et entrepreneurs souscripteurs de ces assurances construction se sont retrouvés sans protection et doivent assumer seuls les conséquences financières des dommages qu’il subissent ou qu’ils causent à autrui.
Comprendre l’origine de ses faillites
A partir de la Loi Spinetta de 1978, la France a mis en place une législation particulièrement protectrice des intérêts de l’acheteur ou consommateur en immobilier en rendant obligatoires les assurances construction, dont les assurances responsabilité décennale et l’assurance dommages-ouvrage garantissant les dommages touchant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
Attirés par ce marché conséquent des assurances obligatoires, nombre d’assureurs étrangers intervenant en LPS se sont développés en France ces trente dernières années en pratiquant une politique tarifaire très avantageuse qui a rapidement entraîné la souscription de milliers de contrats par des assurés français.
Pour intervenir en LPS, une compagnie d’assurance doit simplement obtenir un passeport européen délivré après l’obtention d’un agrément par l’autorité de contrôle de son pays d’origine, l’ACPR en France, un organisme intégré à la Banque de France. Chaque pays étant libre de fixer ses propres règles de contrôle, ces dernières ne correspondent pas toujours à celles plus strictes de l’ACPR. Ainsi, l’ACPR impose impérativement aux compagnies d’assurance françaises d’être en mesure de faire face à leurs engagements sur de longues périodes, dans le cadre de l’assurance de responsabilité décennale notamment.
Faute de marges de solvabilité suffisantes et par manque d’anticipation des risques à long terme inhérents aux assurances construction, plusieurs assureurs étrangers ont été incapables de continuer à exercer leurs activités en construction et ont fait l’objet d’un retrait d’agrément ou d’un arrêt d’activité : Alfa Insurance, Qudos, Gable, CBL, Elite…
Aucune de ces entreprises ne cotisait au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) parce qu’elles n’étaient pas soumises à cette obligation qui n’était imposée alors qu’aux entreprises ayant leur siège en France. Or, cette procédure, inscrite dans le Code des assurances, permet d’indemniser les victimes lorsque l’assureur fait défaut à ses clients.
Les conséquences pour les propriétaires et les professionnels du bâtiment sont terribles : sans aucune garantie, ils doivent assumer seuls les conséquences des dommages qu’ils subissent ou causent.
L’élargissement du périmètre du FGAO : vers une protection plus avantageuse des particuliers
Depuis l’ordonnance du 27 novembre 2017, codifiée à l’article L421-9 du code des assurances et précisée par un arrêté du 30 juin 2018, toute entreprise d’assurance intervenant sur le sol français et qui souscrit des assurances dommages-ouvrage, doit être en règle avec le FGAO, ce qui élargit le périmètre d’intervention du FGAO aux assurances dommages-ouvrage souscrites auprès d’acteurs intervenant en LPS.
Cependant, la procédure ne concerne que les particuliers et non les personnes physiques ou morales assurées au titre de leurs activités professionnelles, ce qui implique qu’un maître d’ouvrage professionnel ne peut pas la solliciter. Les entreprises qui font face à la faillite de leur assureur en LPS devront donc assumer demain le coût des sinistres.
NB : Les entrepreneurs qui ne sont plus couverts du fait de la faillite de leur assureur doivent, car il s’agit de garanties obligatoires, souscrire une nouvelle police auprès d’un assureur qui accepte de reprendre le passé inconnu, le coût de telles garanties pouvant être élevé.
Cette ordonnance qui ne concernait que les contrats souscrits ou renouvelés à partir du 1er Juillet 2018, a été corrigée par la loi de finance 2022 : le périmètre d’intervention du FGAO est élargi aux contrats en cours de validité au 1er Juillet 2018.
NB : La date de fin de validité est définie à la suite de la liquidation selon le droit applicable dans l’Etat membre d’origine de la société d’assurance en application de l’article 274 de la directive 2009/138. Pour Alpha Insurance, conformément à la législation danoise, les contrats ont pris fin trois mois après la déclaration de la faillite : les désordres doivent donc être apparus avant cette échéance pour être couverts par le FGAO.
Quelle démarche pouvez-vous préconiser aux particuliers acquéreurs ?
L’assuré qui sollicite la mobilisation de la garantie dommages-ouvrage doit prendre contact avec le liquidateur de la compagnie qui transmettra la demande d’indemnisation au FGAO. Notez que la prise en charge du FGAO est limitée à 90% de l’indemnité qui aurait été attribuée à l’assuré par l’assureur défaillant.
Les assurances construction obligatoires disponibles en LPS sur le marché français :
- L’assurance dommages-ouvrage obligatoire pour toute personne qui souhaite commencer des travaux de construction. Elle permet d’éviter les litiges en cas de malfaçons et de basculer vers les assurances décennales qui assurent le remboursement des travaux.
- La garantie décennale couvre l’habitation pendant dix ans après sa livraison. Elle est contractée par les professionnels du bâtiment en fonction de leur spécialité. Si un sinistre se déclare, le professionnel fait jouer sa garantie qui prend en charge les travaux, sans passer par une décision de justice.
- La garantie financière d’achèvement (GFA). L’établissement, qui se porte garant pour un promoteur, s’engage, en cas de défaillance de ce dernier, à assurer le financement de la construction jusqu’à achèvement.
La protection des assurés reste pour le moins imparfaite car, en cas de défaillance d’un assureur construction, seuls les contrats dommages-ouvrage des particuliers engagent le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires, et pour une couverture limitée. Le législateur européen devrait se pencher sur la question en suivant le modèle des dispositifs mis en place dans le secteur bancaire, une question d’autant plus urgente que le montant des sinistres non payés en construction par ces assureurs en faillite a été estimé pour les prochaines années à une somme comprise entre 5 et 7 milliards d’euros.
Photographie : (c) Bogdan Sonjachnyj